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Lycée Denis-de-Rougemont : Discours pour la remise des certificats de maturité fédérale

Lycée Denis-de-Rougemont : Discours pour la remise des certificats de maturité fédérale

200 jeunes ont reçu leur maturité fédérale jeudi 29 juin lors de la cérémonie de clôture du lycée Denis-de-Rougemont. Félicitations à eux ! C'est le moment de se poser la question de Denis de Rougemont "et moi, qui suis-je?" et d'embrasser les possibles. C'était le sens de l'intervention de Damien Cottier lors de cette belle cérémonie.

Discours prononcé par M. Damien Cottier, conseiller national, à l’occasion de la remise des titres de maturités fédérale, lycée Denis-de-Rougemont, jeudi 29 juin 2023, 20h00

 

Chères et chers Diplômé-e-s,

C’est évidemment par vous qu’il faut commencer, car cette soirée est la vôtre.
Cela vaut bien ce petit écart au protocole que vous me pardonnerez j’en suis sûr,

Madame la Présidente du Grand Conseil,
Madame la Conseillère d’État,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs, chers représentants officiels, chères familles et amis !

Chers Lycéennes et Lycéens,

Vous allez, dans quelques minutes recevoir ce certificat de maturité tant convoité : il vous a fait trembler, suer, travailler, rager, cauchemarder, veiller, rêver peut-être… C’est un instant, de soulagement, de joie et, disons-le, de grâce !

Je mesure l’effervescence du moment. Et la nature des émotions que vous devez ressentir à la fin d’un parcours aussi riche, aussi dense.

Il y a quelques années déjà, en fait il y 30 ans exactement, à une époque où cet établissement fêtait son 120e anniversaire et qu’il s’appelait encore le gymnase, j’étais à votre place, avec mes compagnons d’études. J’ai pu expérimenter les tourments et les plaisirs de ce voyage initiatique qu’est le lycée… et la soirée de remise des titres. Si je ne me souviens pas vraiment de ce qu’ont dit les orateurs (ni même de qui ils étaient), je me souviens en revanche bien de l’émotion de ce moment… qui ressemble à une fin et qui n’est en réalité que le début.

Je ne faisais donc pas partie, ai-je appris ce soir M. le Directeur, cher Philippe, de la « meilleure volée » : elle est devant nous, tu as bien raison ! Mais j’ai fait partie de ta première volée, pas encore comme directeur, mais comme professeur. Et je suis heureux de partager avec toi cette soirée à la fin de ton mandat en te remerciant pour ton engagement pour cet établissement qui nous est si cher. Il y a 30 ans mon allemand n’en était alors qu’à ses balbutiements… mais avec de bonnes bases !

Les années de Lycée sont un peu comme un sprint et un marathon à la fois!

Chères et chers diplomé-e-s,
Vous sortez d’une belle aventure. Les années de Lycée sont un peu comme un sprint et un marathon à la fois : elles demandent de nombreuses pointes d’accélération - il y a toujours un moment où il faut mettre les bouchées doubles afin de préparer une épreuve, rendre un dossier… ou finir de lire un livre qu’on n’a pas eu le temps de terminer… ou parfois même de commencer !

Mais c’est surtout un marathon car il faut tenir sur la longueur. Doser l’effort. Et vous y êtes parvenus ! Bravo !

Mais en fait dans cette équation lycéenne à plusieurs variables, je devrais aussi ajouter un peu de 110 mètres haies … comme les soirées étudiantes qui se prolongent, les sorties de classe ou les moments au bord du lac qui ne donnent guère envie de retourner sur les bancs d’école… autant d’obstacles qui peuvent inopinément se dresser sur le chemin de la matu !

Mais, après tout, cette vie extra-gymnasiale, ces moments avec les copains d’études, ce sont probablement les plus formateurs et peut-être les plus importants. A parcourir le beau livre édité pour les 150 ans du lycée, on note que les témoignages d’anciens élèves s’arrêtent surtout sur ces moments-là. Les quelques cours que l’on « schwentze » semblent marquer tout autant - si ce n’est plus - que la leçon de chimie sans explosion… ou la leçon d’histoire qui se passe, justement… sans histoire !

Vous sortez d’une belle aventure, sorte de grand huit émotionnel à un moment important de votre existence. Vous vous rappellerez certainement longtemps cette période du lycée, le stress à gérer, les moments de découragement à vaincre pour repartir avec volonté. Mais ces aspects-là, vous le constaterez, définissent mal l’essentiel de ce parcours. Il ne restera bientôt plus que la satisfaction d’en savoir un peu plus sur vous, sur le monde, sur votre capacité d’apprentissage, sur ce que vous ne savez pas – et qui est essentiel – sur les bénéfices de la curiosité.

On apprend beaucoup au lycée, mais surtout on apprend à apprendre. Et on apprend à entrer dans la vie !

Et une mauvaise note à l’oral d’allemand ne vous empêchera pas de faire carrière à Berne p.ex., j’en sais quelque chose, … à condition bien sûr de savoir ce qu’on ne sait pas – et donc de continuer à travailler la langue de Goethe !

Reste que je n’ai pas oublié ce moment il y 30 ans, où à la fin de mon oral d’allemand… maîtrisé disons moyennement, quelqu’un est entrée avec un plateau de café pour les experts. J’ai joué mon va-tout en lançant, sûr de moi, « Aha, das Café !». Et je me souviens assez précisément de ton regard – noir comme le café – cher Philippe, et de ta réplique – cinglante : « Der Kaffee ! »… (je ne fais plus jamais cette erreur !) 

Ces trois années de cheminement, de réflexion, et votre capacité à apprivoiser votre fonctionnement propre raisonnent comme un écho à la philosophie de celui qui a donné son nom à l’institut. Oui nous vous célébrons ce soir, chers diplomé-e-s, tout en célébrant aussi les 150 ans d’un gymnase devenu lycée et qui porte le beau nom de Denis de Rougemont. 

Lui qui a grandi à Couvet et s’est formé à Neuchâtel, a donc cultivé sa pensée ici. Très tôt il s’est posé des questions qui l’ont conduit à développer sa propre vision de la société. Son texte intitulé « qui suis-je ? », rédigé au début de sa vie d’adulte représente les prémisses d’une philosophie qui marquera de son empreinte le XXème siècle européen. 

Peut-être que vous aussi, comme Denis de Rougemont, au cours de votre parcours de lycéen, vous vous êtes posé la question : qui suis-je ?

Une interrogation fondamentale pour trouver sa voie, orienter sa boussole dans la bonne direction – peut-être pas du premier coup : tâtonner fait partie du processus.

Qui suis-je ? Toute l’œuvre de Rougemont a été aiguillée par ce questionnement initial. Et l’on est frappé par le caractère actuel de son travail. Il nous invite à réfléchir profondément aux défis de notre époque. 

Qui suis-je ? Toute l’œuvre de Rougemont a été aiguillée par ce questionnement initial.

Alors que nous assistons avec consternation au retour de la guerre en Europe, nous avons l'opportunité de puiser dans ses enseignements et son action politique pour promouvoir la paix, la compréhension mutuelle et la réconciliation. En Ukraine comme ailleurs.

La philosophie de Rougemont met l'accent sur la nécessité de transcender les barrières nationales, de promouvoir le dialogue entre les peuples. Le dialogue plutôt que le conflit ! Ce qui paraissait vital à un continent en cendres en 1948 semble avoir été oublié par beaucoup. Et l’on entend hélas à nouveau, en de nombreux endroits des appels, à ériger de nouveaux murs plutôt qu’à jeter des ponts.  

Rougemont a été un ardent défenseur de la coopération européenne. Il était convaincu que la collaboration entre pays est essentielle pour préserver la paix et la prospérité. Pour lui la diversité culturelle n’était pas un obstacle à la coopération renforcée, au contraire, il invitait à coopérer dans la diversité.

Jeter des ponts, coopérer dans la diversité, c’est au fond le chemin choisi par la Suisse, elle qui a rejoint en 1963, il y a donc 60 ans (un autre anniversaire !) le Conseil de l'Europe, organisation qui rassemble aujourd’hui 46 États-membres… et peut-être bientôt 47. Je me réjouis qu’une classe de ce lycée ait pu rendre visite à la délégation parlementaire suisse et visiter le Palais de l’Europe à Strasbourg, il y a une semaine (plusieurs sont avec nous ce soir). C’était l’occasion idéale de faire le lien entre ce lycée, nommé en hommage à Denis de Rougemont, et une importante institution européenne qu’il a activement contribué à créer

L’histoire nous gratifie de clins d’œil puisque cette année marque également les 75 ans du Congrès de la Haye (encore un anniversaire !) moment fondateur du Conseil de l’Europe lors duquel Denis de Rougemont a joué un rôle prépondérant.

Et je ne vous cache pas que j’étais fier d’entendre, il y a un mois à Reykjavik, les chefs de plus de 40 États rappeler le rôle essentiel du Conseil de l’Europe pour l’avenir de la paix, de la démocratie et de la liberté sur notre continent ! Au fond si le Conseil de l’Europe n’existe pas, il faudrait l’inventer. Grâce à Rougemont et à quelques autres grands noms européens comme Winston Churchill, Konrad Adenauer, Alcide de Gaperi ou Robert Schuman, il existe !

Et moi, qui suis-je ?

Rougemont y a répondu notamment en s’engageant pour les valeurs de paix, et de liberté voici trois-quarts de siècle. 

Et moi qui suis-je ? Si vous ne devez retenir qu’une chose ce soir, retenez cette question posée par Denis de Rougemont ! Elle est fondatrice pour votre avenir.

Et moi qui suis-je ?

Si vous ne devez retenir qu’une chose de cette soirée, retenez cette question posée par Denis de Rougemont ! Elle est fondatrice pour votre avenir. Qui êtes-vous ? C’est à vous seuls de le définir ! Et vous êtes à cet instant de votre vie qui, justement, permet le mieux de le faire.

Car si vous êtes arrivés ce soir à un terme, celui de vos années de lycée, en réalité, vous être au début d’une autre aventure : le reste de votre vie. C’est maintenant que tout commence, d’une certaine manière, car vous détenteurs certifiés de la « maturité », comme le prouve le titre que vous allez recevoir.

Dès demain mille portes s’ouvriront et autant d’opportunités s’offriront à vous, un nombre presque infini de vies possibles ! Il faudra faire des choix. Vous tromper. Corriger. Changer. Reconsidérer. Adapter. Recommencer peut-être.

Pour vous guider, gardez toujours la question de Denis de Rougemont à l’esprit : et moi qui suis-je ?  

Et un jour, lorsque ce lycée fêtera ses 200 ans, (et ça viendra peut-être plus vite que vous ne le pensez !), vous pourrez regarder en arrière, en vous disant, un sourire aux lèvres, je suis celui, ou celle, que je voulais être !

Chères et chers diplômés,

Je vous félicite pour ce diplôme bien mérité!

Je vous souhaite du fond du cœur, la plus belle et la plus pleine des vies!

Et je vous invite à saisir à pleine mains cet avenir qui s’ouvre, ici, ce soir, plein de promesses et de possibles. Forgez-le à votre image ! Car en écho à sa question « qui suis-je ?», Denis de Rougemont nous a aussi rappelé que : « l’avenir est notre affaire ! »

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