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OPINION «Le certificat Covid est à l’image de Janus: il a deux visages» (Heidi.News)

OPINION «Le certificat Covid est à l’image de Janus: il a deux visages» (Heidi.News)

Quelques réflexions que j’ai couchées sur le papier à la demande de Heidi.news au sujet du certificat sanitaire et de la gestion de la probable 4e vague qui risque hélas de nous atteindre d’ici quelques semaines en raison du variant delta.

Dans quelques jours les orateurs du 1er août appelleront, comme il se doit, à veiller à la cohésion nationale qui nous unit par-delà les clivages. Pourtant, la crise du Covid-19 crée une tension inédite entre certaines parties de notre société. Nous devons veiller, également ici, à assurer la cohésion du pays. Ce n’est pas la responsabilité des seules autorités: c’est celle de chacun d’entre nous, dans ce qu’il est prêt à faire et à accepter.

Un certificat à deux visages

Le certificat Covid est à l’image de Janus, dieu romain des choix: il a deux visages. D’un côté, il peut limiter certaines libertés. De l’autre, il peut être un auxiliaire utile pour les retrouver.

Cette question ne se pose pas qu’en Suisse. Ce printemps, j’ai établi un rapport pour l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur le lien entre les certificats Covid et la préservation des libertés fondamentales. Une résolution a été adoptée à une large majorité qui invite les gouvernements des 47 Etats membres, dont la Suisse, à rechercher des équilibres subtils afin d’assurer la sécurité sanitaire tout en évitant les discriminations et en garantissant les droits fondamentaux.

  • D’une part, on doit veiller à ce que les certificats Covid ne limitent pas de manière disproportionnée l’accès à certaines prestations, ce qui créerait une société à deux vitesses. Il est ainsi exclu d’utiliser un tel outil pour prendre le bus ou le train, d’aller à l’école ou d’accéder aux services sociaux ou de santé. Il faut aussi évidemment veiller à ce que chacun puisse se nourrir. Ainsi, l’éventualité de pouvoir accéder aux grands centres commerciaux, évoquée en France, en fonction du certificat me semble aller loin.

  • De l’autre côté, le certificat est une clé pour un retour progressif de libertés qui ont été limitées comme jamais depuis la Deuxième Guerre mondiale. Or de telles limitations ne sont légales que si le but visé – ici un objectif de santé publique – est proportionné. Pour les personnes vaccinées et guéries, il est désormais établi que le risque de contracter la maladie et de la transmettre est très fortement réduit, même s’il n’est pas complétement exclu. Des interdictions strictes de rassemblement, notamment, deviennent alors disproportionnées pour ces personnes, donc illégales.

Mais il faut aussi éviter de discriminer les parties de la population qui ne peuvent pas se faire vacciner (enfants, personnes atteintes leur santé, etc.) ou pas encore. Et il faut éviter d’introduire une obligation indirecte de vaccination pour ceux qui ne le souhaitent pas. L’accès au certificat suite à un test et l’exemption de certificat pour les moins de 16 ans vont dans ce sens.

Des risques inégaux

Pour autant, les personnes non vaccinées continuent de courir un risque beaucoup plus élevé de contracter la maladie et de la diffuser. On voit dans de nombreux pays à quel point le variant Delta, plus contagieux, se transmet rapidement. La Suisse ne sera hélas pas épargnée.

Face à cette probable nouvelle vague, la question risque de se poser à nouveau de limiter certaines activités comme la participation à des événements sportifs ou culturels, l’accès aux restaurants ou salles de sport, des limitations pour les assemblées, les cultes, etc. Mais vu la nouvelle donne et l’efficacité du vaccin, interdire simplement ces activités pour tous deviendrait disproportionné à l’égard des organisateurs et tenanciers (dont on limite la liberté économique) et des personnes vaccinées ou guéries (dont on limite la liberté de réunion). La Suisse risque donc de devoir étendre l’utilisation du certificat pour s’assurer que ceux qui accèdent à certains lieux ou services représentent un risque de contagion limité.

Personne ne souhaite montrer un certificat pour entrer au restaurant ou dans une salle de sport! Mais si le choix doit se faire entre cela ou fermer à nouveau les restaurants, les salles de sports ou d’autres lieux pour tous, la réponse me semble claire. Nous n’en sommes heureusement pas là aujourd’hui… mais on ne peut hélas pas l’exclure.

Viser l’intérêt général

Celles et ceux qui refusent le vaccin – et je leur reconnais ce droit bien que je ne partage pas leur point de vue – doivent se rendre compte que dans un tel scénario, qui n’a rien d’improbable hélas, la société ne pourra pas se refermer complètement pour assurer qu’ils et elles sont traités à l’identique des personnes vaccinées ou guéries. Parce que cela serait traiter de manière identique deux situations différentes, le risque de maladie et de transmission étant beaucoup plus fort dans un cas que dans l’autre. Il faudra l’accepter.

Le choix des services et des lieux auxquels on devrait limiter l’accès sera important et devra être le plus restrictif possible pour ne pas créer une société à deux vitesses, il faudra notamment garantir un accès non-discriminatoire à l’éducation, aux services publics et aux activités essentielles.

Ce qui doit continuer de nous guider dans cette crise, c’est la recherche de l’intérêt général. Nous devons chercher ensemble en permanence les subtils équilibres qui, à travers les nombreuses tensions et contradictions générées par cette situation spéciale et évolutive, permettent d’y tendre.

Ce printemps, j’étais de ceux qui pensaient et espéraient que les certificats Covid s’avéreraient peu utiles ou pour une durée très limitée en Suisse. C’était tabler sur une vaccination rapide de presque toute la population. Mais tant et aussi longtemps qu’une partie importante de celle-ci ne sera pas vaccinée, ou ne voudra pas l’être, et que la maladie se propagera rapidement, les certificats s’avèreront, hélas, un auxiliaire nécessaire pour permettre le retour proportionné des libertés individuelles dans le respect de la sécurité sanitaire.

Afin que cette période soit la plus courte possible, il y a un moyen simple et efficace: vaccinons-nous!

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